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dimanche 24 février 2013

Nouveau scandale alimentaire: il y a du porc dans le DSK

Le Monde se penche sur le bout de surimi des hommes de pouvoir 

La couverture de Time après l'arrestation de DSK. Déjà le porc a mauvaise presse.

"C’est parce que tu étais un porc que je suis tombée amoureuse de toi."

"Cela a été l’expérience la plus poétique, la plus dense, la plus cruelle, la plus belle, la plus puissante de ma vie ». [Les enfants, allez vous coucher] Pour avoir écrit ces lignes dans un ouvrage qui fait scandale, « Belle et bête » (Stock), présenté en bonnes feuilles dans Le Nouvel Observateur de jeudi, la philosophe Marcela Iacub se retrouve au pilori des médias. L’Express, outragé, n’hésite pas à écrire le 21 février : « Marcela Iacub, folle d’un «cochon » a donc écrit un livre de « truie ».» Beaucoup de journaux lui reprochent d’avoir jeté sa vie sexuelle en pâture pour se faire de l’argent - les mêmes qui encensaient les confidences de l'autofiction. DSK lui-même, dans une lettre ouverte auNouvel Observateur, parle d’« une atteinte méprisable à ma vie privée et à la dignité humaine », et reproche à l’écrivaine de l’avoir « séduit », pour tout déballer ensuite (l'homme a donc du sentiment).

Que nous dit Marcela Iacub qui fait tant de bruit ? 
Il y a du porc en DSK, comme du cheval dans les beafsteaks des grandes surfaces. Ce n'est pas un scoop. C’est parfois évoqué sur un ton de midinette - de «sainte » écrit-elle (certains extraits rappellent les émois effarouchés de l’héroïne de l'harlequinade « Cinquante nuances de Grey » devant son cruel amant). Des journalistes disent qu'il s'agit d'un non-événement. C'est vrai. Ces confidences érotiques, qui font parfois penser au film de Patrice Leconte «Ridicule» (ces récits à la fois dramatiques et futiles des moeurs des puissants avant la Grande Révolution), semblent bien dérisoires en ces temps de grave crise sociale et de chômage chronique - un tel décalage de préoccupations entre les élites médiatiques et le peuple est révélateur de l'époque (annonçant sans doute de puissantes frictions). Cependant, si leNouvel Observateur se vend comme des petits pains, ceci expliquant sans doute cela, Marcela Iacub dit deux ou trois choses intéressantes sur les paradoxes de l'amour, la sexualité et sur le droit démocratique (elle est juriste).

La philosophe avoue d'emblée : « Tu étais égoïste, tu étais brutal et tu n’avais aucune culture. Et j’étais folle de toi ». [De quoi épater le bourgeois !] Elle nous raconte là une vieille histoire. Elle n’est pas la première, ni la dernière, à aimer une brute. Tant d’autres femmes l’ont fait avant elle, l’ont écrit, regretté, adoré, chanté. Souvenons-nous de Billie Holiday (puis d'Edith Piaf), saisi par le blues de l’amour fatal dans « It’s my man » : «Has he two or three girls. That he likes as well as me. But I love him. I don't know why I should. He isn't true. He beats me, too. What can I do ? It’s my man». [Il fallait comprendre que ce n'était pas de la littérature] Marcela Iacub nous rejoue cette partition, sur le mode de l'auto-fiction. Elle le reconnaît, l’animal sexuel DSK l'a bouleversée, violentée, elle a voulu comprendre cette fascination en écrivant le livre. Car, dit- elle, pour l'écrivain seule l’écriture pense, creuse la falaise. [Il n'est plus possible de fantasmer sur une chanson: aujourd'hui, les textes éclaboussent les berges de nos rues et les flaneurs plongent de gré ou de force dans le sturpe;  les enfants en restent tout songeurs...]


Après les déclarations
contradictoires de Me N. Diallo.
"La bonne de DSK, une pute"
Nous savons tous ce qui se joue de joie et de plaisir trouble dans des relations de tension entre les sexes et de masochisme amoureux (s’il faut parler avec ces catégories). Nombre d'écrivains, Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle d’Adam, Swinburne ont décrit ces tourments noirs, la part sombre et jouissive de la passion - sans oublier Baudelaire, qui écrit dans « Fusées » : « L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal réside toute volupté. » Marcela Iacub nous redit cette vérité trouble - toujours dérangeante, qui a tant inquiété les féministes. Elle a aimé que DSK soit «un chien», de ces clébards qui aiment « toutes les chiennes en chaleur sans distinction ». Elle a aimé être sa chienne, comme certaines femmes disent dans un lit parfois (et comme chante Léo Ferré dans « Le chien » ). Elle a aimé qu’il lèche son mascara, qu’il soit dégoûtant (d’aucunes diraient : «qu’il soit un bon coup » ?). 


Ce n’est pas un scoop de rappeler qu’il y a de l’animal et de la brutalité dans le sexe, chez l’homme et la femme qui roulent sur un matelas, ni que DSK comme d’autres soit « mi homme-mi cochon », mais le plus surprenant est que Marcela Iacub soit attaquée parce qu’elle défend cette vérité compliquée, tourne autour, la réfléchit - «on sait que la plupart des humains n'aiment le sexe que dans certaines conditions. Qu'ils cherchent que l'objet de leurs désirs ait des beautés qui rachètent un acte qui peut être dégoûtant autrement» -, qu'elle la répète depuis l’affaire du Sofitel, comme dans son essai «Une société de violeurs ? » (Fayard, 2012). Pour elle, la plupart des médias, en France et plus encore aux Etats-Unis, tout comme une partie des féministes et des intellectuels ont fait preuve d’un acharnement bien-pensant contre l’homme politique déchu en condamnant sa vie sexuelle débridée, ses parties carrées ( « La double vie effarante de DSK » titrait L'Express en septembre 2012), en l’assasinant au fond de l’ambulance, ou encore en le traitant de « malade » (comme Michel Onfray), alors, rappelle-t-elle, qu’à ce jour aucune condamnation pour viol n’a été retenue contre lui - le doute ne profite pas au cochon.



Bien sûr, l’éthique politique peut reprocher au politicien à un poste de responsabilité de ne penser qu'à ça et de se mouiller avec des souteneurs - avec le risque de conflit d'intérêt et de dépendance au chantage que cela implique -, mais dès lors qu’il est retiré des affaires ? Doit-on reprocher, demande Marcela Iacub, à l’homme redevenu un quidam de découcher, fréquenter des prostituées ou de participer à des orgies ? Ne faut-il pas dans une société démocratique, laisser aux hommes le droit de mener leur vie cochonne « sans qu’un juge leur demande des comptes » ? [La réponse est dans la question, mais est-ce le sentiment de l'épouse, Anne Sinclair, en l'espèce ?] Sans qu’une loi condamne les clients des prostituées, comme le veulent les féministes socialistes. Sans qu’on les traite comme des cas pathologiques ? Sans qu'on parle de violence faite aux femmes quand le désir devient féroce (« Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny. Moi j'aime l'amour qui fait boum ! » chantait Magali Noël). Quand elle défend ce droit à la part maudite de chacun, tout comme quand elle refuse qu'on victimise les prostituées indépendantes, Marcela Iacub fait preuve d'un certain courage - elle interpelle le moralisme ambiant. Là voilà partout décriée. 

Depuis quelques années, on entend beaucoup que la nouvelle maladie d’époque serait la dépendance sexuelle. En novembre 2011, le siteNewsweek-Daily Beast parlait d’une véritable «épidémie » dans le monde occidental. Grâce aux tabloïds, nous connaissons toutes les célébrités atteintes, Michael Douglas, Tiger Woods, David Duchovny… et DSK. Tous des porcs - des dépendants. Aux Etats-Unis, une société de thérapeutes estimait fin 2011 que 3 à 5% de la population est atteinte, soit 9 millions de gens - cela fait beaucoup, va-t-il falloir mettre des policiers et des caméras à tous les carrefours ? Les symptômes ? Chercher sans cesse des nouveaux partenaires. Éprouver une envie permanente de plaisir sexuel. Regarder beaucoup de pornographie sur Internet (où elle d'accès libre et gratuit). Fréquenter des personnes faciles et des prostituées. Ne jamais s’arrêter, quitte à mettre en danger sa famille ou sa réputation. Ce «trouble hypersexuel» et cette «nymphomanie» hypermodernes viendraient de la combinaison fatale de la sexualisation des tenues féminines (on sait que cette critique a jeté des "sluts walks", des "marches de salopes" revendiquées dans 150 villes autour du monde), la prolifération des « escorts» indépendantes, l’accès libre aux sites pornos et l’effondrement des valeurs familiales.


Tout comme Marcela Iacub, un psychologue clinicien américain, David J. Ley, a dénoncé cette " imposture" et cet excès de pudibonderie dans son essai « Le mythe de la dépendance sexuelle » (ed. Rowman, Mars 2012). Selon lui, la prétendue addiction sexuelle a existé de tout temps, mais elle est devenue un fromage pour les milliers de psys qui la repèrent et la traitent, souvent à prix d’or (5000 $ par jour pour Tiger Woods). Ce sont certains d'entre eux, organisés en lobby, qui publient des statistiques fantaisistes visant à transformer tout époux volage, femme « adultère » ou client de prostituée en « malade », confondant à dessein l'impulsion du désir et la quête érotique - le dionysiaque dans l'homme - avec la compulsion sexuelle incontrôlée. Ils développent une pernicieuse entreprise de moralisme conjugal pour faire valoir leur profession, essaimer des sentiments de honte (comme si la honte pouvait fonder une morale), amplement relayée par les médias people dénonçant les frasques des personnalités - n'oublions pas qu'aux Etat-Unis, un écart de conduite conjugal est fatal au politicien. 


Ces psys, selon David J.Ley, s'appuient sur un concept vague de dépendance sexuelle, non reconnu en psychiatrie clinique. Dans les faits, remarque-t-il, aucun « dépendant sexuel » n’est encore mort d’une overdose de sexe. Quant à la corrélation entre le visionnage de pornographie et le viol, après maintes recherches, sur des années, elle n’est toujours pas avérée - des études faites auprès de 688 jeunes couples Danois, femmes et hommes, menées en 2008 par le sociologue Neil Malamuth montrent même que la pornographie contribue souvent à une vie sexuelle plus inventive*. Finalement, pour David J.Ley, ces psychologues refusent d’admettre le libre-arbitre d’une vie libertine, tout comme la réalité des plaisirs hors-mariage, les associant bien rapidement à des phénomènes compulsifs, auto-destructeurs ou asociaux. Laissons un psychanalyste français plus subtil le mot de la fin, Samuel Lepastier, qui déclarait dans Elle le 22 février, à propos de la sombre popularité de DSK : « Il existe en chacun de nous une part de désir sauvage, d’animalité refoulée en permanence. Un homme célèbre comme DSK, accusé de toutes les turpitudes, nous permet de projeter sur lui notre part d’ombre. C’est la logique du bouc émissaire. On lui fait endosser des désirs, des fantasmes qu’on n’ose pas s’avouer à soi-même. »

* http://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10508-007-9212-1


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